Genèse de l'oeuvre
Le 17 juillet 1794, 16 des 19 Carmélites de Compiègne sont guillotinées. Soeur Marie de l'Incarnation, absente le jour de l'arrestation, écrit une relation de leur martyre. En 1937, Gertrud von Le Fort publie une nouvelle intitulée La Dernière à l'échafaud (Die Letzte am Schafott): elle a notamment créé le personnage fictif de Blanche de la Force, une jeune novice fragile et remplie de peurs.
Juste après la IIème Guerre Mondiale, le p. Bruckberger op décide de porter la nouvelle à l'écran, compose le scénario et demande à Georges Bernanos d'écrire les dialogues; mais, le texte ne lui convenant pas, il le met de côté. Retrouvé un an après la mort de Bernanos, le texte est publié sous le titre Dialogues des Carmélites, en 1949. Il est ensuite créé au théâtre où il obtient un grand succès à partir de 1952.
Enfin, le texte est adapté pour l'opéra et Poulenc compose la musique: l'opéra est créé en 1957 et son succès est constant depuis.
En 1960, le p. Bruckberger donnera finalement un film intitulé le Dialogue des Carmélites mais le texte de Bernanos n'y figure pas. C'est en 1983 que le réalisateur Pierre Cardinal adapte le texte à l'écran dans un téléfilm.
En 2016, la compagnie du Théâtre de l'Arc-en-Ciel a monté la pièce: http://revuelimite.fr/theatre-dialogue-des-carmelites-les-kamikazes-peuvent-aller-se-rhabiller
Téléfilm de Pierre Cardinal (1984) : https://www.youtube.com/watch?v=ztpITmvVbDc (excellent - cf fiche http://www.imdb.com/title/tt0299755/)
Film de Philippe Agostini et du père Raymond Leopold Bruckberger (1960) : https://www.youtube.com/watch?v=aKzH_sZSQ4Q (déconseillé: ni la beauté du texte, ni le déroulé de l'histoire ne sont respectés)
Voir Poulenc : Dialogues des Carmélites (1953 / 1957)
Les bienheureuses Carmélites de Compiègne (17 juillet): http://www.lecarmel.org/saints/bienheureux-et-bienheureuses/carmelites-de-compiegne~.html
Résumé détaillé de l'œuvre de Bernanos
Premier tableau - Paris, Hôtel de la Force, avril 1789.
Le Chevalier de la Force, devant son père le Marquis, s'inquiète (scène 1) pour sa jeune soeur Blanche, qui n'est pas revenue d'une sortie en carrosse. Le Marquis est veuf depuis quinze ans, lorsque sa femme est décédée en donnant naissance à Blanche. Lorsque la jeune fille finit par arriver (scène 2), un petit incident révèle son caractère craintif (scène 3). Cependant, la jeune fille annonce à son père sa volonté d'entrer au Carmel (scène 4).
Deuxième tableau - Carmel de Compiègne, printemps 1789.
Blanche est reçue par la Prieure, qui est vieille et malade (scène 1). Quelques temps après elle est reçue comme postulante (scène 2). Un incident révèle encore sa nature craintive (scène 3). Aux scènes 4 et 5, le médecin nous fait comprendre que la Mère Prieure va bientôt mourir. Puis nous découvrons l'autre novice, Soeur Constance (scène 6), dont l'enjouement contraste avec le caractère de Blanche. Avant de mourir dans une terrible agonie, la Mère Prieure confie spécialement Soeur Blanche à Mère Marie de l'Incarnation. Soeur Blanche, qui est chargée de veiller le corps, prend peur et abandonne son devoir; suite à quoi, elle a un dialogue avec Mère Marie (scène 11).
Troisième tableau - Carmel de Compiègne, été 1789.
Nouveau dialogue de Soeur Constance et Soeur Blanche, qui fleurissent la tombe de l'ancienne Prieure et se préparent à l'élection de la nouvelle (scène 1). Discours de la nouvelle Prieure: Mme Lidoine, Soeur Marie de Saint-Augustin (scène 2). Lors d'un dialogue avec la Prieure, Mère Marie de l'Incarnation exprime des réticences pour la prise de voile de Soeur Blanche. Après cette prise de voile (scène 4), arrive une première visite de la Municipalité, pour faire l'inventaire des biens du Carmel: cette première visite est courtoise (scène 5). Suit un long échange sur les circonstances entre la Prieure et de plusieurs Soeurs (scène 6). Visite du Chevalier de la Force, qui vient proposer sa soeur de rentrer chez leur père. Celle-ci refuse (scène 8). Après un bref entretien avec l'aumônier du Carmel (scène 9), le jeune Chevalier s'en va. Une nouvelle visite de Commissaires de la Municipalité donne lieu à un échange assez vif avec Mère Marie de l'Incarnation. Les Commissaires aimeraient emmener Soeur Blanche, croyant qu'elle est séquestrée de force au Carmel (scène 10 et 11). A la scène 12, l'aumônier annonce qu'il est relevé de ses fonctions et proscrit. A la scène 13, Soeur Blanche dialogue avec l'aumônier puis, à la scène 14, avec Mère Marie. Ensuite, nous apprenons qu'un décret (octobre 1789) interdit désormais les voeux religieux: Soeur Blanche et Soeur Constance ne pourront donc pas s'engager.
Quatrième tableau - Carmel de Compiègne, octobre 1789 / août 1792.
La Prieure informe toute la communauté de l'interdiction des voeux monastiques (scène 1). A la scène 3, les commissaires, suivis de la foule, font irruption dans le Carmel et pillent de nombreux objets sacrés. La nuit de Noël 1789, la statue du Petit Roi visite les cellules des Carmélites (scène 5). Quelques temps plus tard, la Prieure explique à Blanche qu'elle devrait retourner dans le monde, mais la laisse décider en conscience (scène 6). L'aumônier a réussi à venir pour célébrer l'office du Vendredi Saint (scène 7). Le jour de Pâques, l'aumônier ne vient pas; Mère Marie de l'Incarnation propose que les Soeurs prononcent le voeu du martyre mais la Prieure n'est pas d'accord (scène 8). Suivent deux scènes où les Carmélites échangent sur plusieurs thèmes, notamment la mort; à la fin de la scène 9, la Prieure doit partir à Paris, appelée par ses supérieurs. L'aumônier en fuite trouve refuse au Carmel. A la scène 11, foule et commissaires prennent d'assaut le Carmel (nous sommes en août 1792): un décret enjoint toutes les religieuses de quitter leur maison avant le 1er octobre. Le monastère est pillé et dévasté. A la scène 13, les Soeurs font le voeu du martyre devant l'aumônier. Puis Soeur Blanche s'enfuit. Toutes les Soeurs, en civil, s'apprêtent à quitter le Carmel au moment où revient la Prieure (scène 14).
Cinquième Tableau - Paris, 1794.
Après une première scène à l'Hôtel de la Force, où Blanche apprend que son père a été arrêté, nous sommes transportés dans la prison où croupit le Marquis de la Force (scène 2), puis devant le tribunal révolutionnaire, où Blanche réussit à faire libérer son père (scène 3). A Compiègne, les Carmélites s'entendent signifier l'interdiction de toute vie conventuelle (scène 5). L'Aumônier apprend aussi à la Prieure que, finalement, le Marquis de la Force a été guillotiné (scène 7). Mère Marie part pour Paris afin d'aller chercher Blanche, mais celle-ci refuse de rentrer au monastère (scène 8). Dans les rues de Paris, Blanche parle avec des vieilles personnes, dont une dame qui arrive de Compiègne et lui apprend que les Carmélites ont été arrêtées. Blanche court retrouver Mère Marie, qui l'attend à Paris, et lui apprend que les Soeurs sont en prison. Blanche veut y aller pour essayer de les sauver, mais Mère Marie rappelle qu'il faudra mourir. Blanche s'enfuit (scène 10). A la scène 12, on voit les Carmélites en prison, à la scène 13 elles sont condamnées à mort. La Prieure leur adresse une dernière exhortation. A Paris, l'aumônier apprend à Mère Marie la condamnation à mort. Celle-ci voudrait rejoindre ses soeurs mais ne le peut pas (scène 15). A la scène 17, on voit les Soeurs monter une à une à l'échafaud, en chantant Veni Creator. Quand les 15 ont été guillotinées, après un bref silence, on entend la dernière strophe du Veni Creator: c'est Blanche qui, sortant du milieu de la foule, monte toute seule à l'échaufaud.
voeu du martyre
Dans la relation des faits par Mère Marie de l'Incarnation, on lit que les Carmélites «voulurent offrir leur vie pour que cette paix divine que le Fils de Dieu était venu apporter au monde fût rendue à l’Église et à l’État». C'est cela qui est appelé "voeu du martyre" par Bernanos. Au tableau III, scène 12 (p.86, in Points), l'aumônier dit: «Dans les affaires de Dieu, la suprême ressource c’est le sacrifice des âmes consacrées.» En IV, 8 (p.104-105), c'est Mère Marie qui le propose: «...la Communauté toute entière devrait répondre en prononçant solennellement le voeu du martyre. (...) Pour que la France ait encore des prêtres, les filles du Carmel n'ont plus à donner que leur vie.» C'est en IV, 13 que le voeu est prononcé.
(Remarque: l'idée de se vouer au martyre apparaît chez saint Jean Eudes : https://www.seminairesaintyves.com/wp-content/uploads/2015/03/voeu-du-martyre.pdf)
Extrait du Tableau III, scènes 9 à 12: pdf.
Photos d'une mise en scène de théâtre ? : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9002350v
Bande annonce avec de brefs extraits enchaînés:
- https://www.youtube.com/watch?v=uy8rH0oNPh4 (1987, mise en scène par Gildas Bourdet et interprétée par la Comédie Française au théâtre de la porte Saint Martin)
- https://www.youtube.com/watch?v=zLj2eC3ipOw (2016, théâtre de l'Arc-en-Ciel,
- https://www.youtube.com/watch?v=WadP3GZEbL8 (avec interview du metteur en scène Hervé van der Meulen)
Affiche mise en scène Théâtre Charcot à Marcq en Baroeul en mars 2017: https://media.cathocambrai.com/774489.pdf
Analyse personnelle avec de nombreuses citations de Bernanos: https://thedude524.com/2008/06/10/reflexions-dialogues-des-carmelites-bernanos-extraits-encycliques-benoit-xvi/